Quand l’Union Européenne tue l’Europe
8
LA CONSTITUTION OFFRE-T-ELLE LA GARANTIE DE POUVOIR METTRE EN OEUVRE UNE POLITIQUE ETRANGERE ET DE DEFENSE EUROPEENNES ?

La tragédie du peuple palestinien, la guerre du Kosovo, l’invasion de l’Irak et jusqu’au minuscule différend entre le Maroc et l’Espagne pour la souveraineté d’une petite île ont illustré, jusqu’à la caricature, l’incapacité de l’Union européenne à intervenir comme acteur décisif dans des questions de politique étrangère.

L’Union européenne est d’une passivité affligeante en face de drames qui requièrent pourtant une action si les valeurs qu’elle proclame ont un sens. Non pas l’action d’une puissance impériale, mais celle d’un gardien du droit international. Ce qui pose la question d’une capacité européenne autonome.

Or, la Constitution proposée prend exactement le chemin inverse. Elle conforte la subordination des pays européens et de l’Union européenne à la politique des Etats-Unis, pays qui exerce le contrôle politique et militaire de l’OTAN.

La Constitution proposée précise que la politique de sécurité et de défense commune de l’Union européenne “respecte les obligations découlant du traité de l’Atlantique Nord pour certains Etats membres qui considèrent que leur défense commune est réalisée dans le cadre de l’OTAN.” Le texte précise que cette politique de sécurité et de défense commune est “compatible avec la politique commune de sécurité et de défense arrêtée dans le cadre de l’OTAN” (I-41,2). Il ajoute que “les engagements et la coopération demeurent conformes aux engagements souscrits au sein de l’OTAN qui reste, pour les Etats qui en sont membres, le fondement de leur défense collective et l’instance de sa mise en œuvre” (I-41,7).

En matière de capacités militaires, la Constitution ne parle pas des capacités militaires de l’Union, mais de celles de chaque Etat : les Etats s’engagent à améliorer progressivement leurs capacités militaires” (I-41,3). Ce qui laisse la porte grande ouverte aux interventions du complexe militaroindustriel dans les Etats européens où il existe, mais facilite également l’accès du complexe militaro-industriel américain aux contrats nationaux d’acquisition de matériel de guerre, aucun Etat n’ayant d’obligation européenne en la matière. L’exemple des achats polonais (ce n’est pas le seul) aux Etats-Unis n’a pas servi de leçon.

La Constitution proposée renforce le projet de zone atlantique commune. Comme l’écrit Jean-Claude Casanova, un partisan du texte proposé, “cette Constitution consacre le triomphe politique de la Grande Bretagne puisqu’elle aboutit à (...) une Europe dans laquelle le Royaume-Uni serait à la fois le pivot politique parce qu’elle en aurait fixé les règles et les limites, et la charnière avec les Etats-Unis dont il est le voisin et parent. Dans l’Euramérique qui se profile, l’Angleterre tient un rôle central... 14 ”.


Retour à la table des matières