Quand l’Union Européenne tue l’Europe
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LA CONSTITUTION EST-ELLE NEUTRE IDEOLOGIQUEMENT ?
Certaines
Constitutions sont neutres dans la mesure où elles se limitent strictement à
organiser la répartition des pouvoirs et à énumérer les droits et devoirs des
citoyens. D’autres – les plus modernes – consacrent l’existence de droits
individuels et de droits collectifs et confèrent aux pouvoirs publics
l’obligation d’en garantir le plein exercice.
Le projet de Constitution
européenne confère la personnalité juridique à une Union dotée du pouvoir de
coordonner les législations des Etats membres (art. I-1, I-5 et I-6), en
respectant strictement les obligations qui garantissent, d’une manière non
discriminatoire, “la libre circulation des personnes, des biens, des
services, des capitaux, ainsi que la liberté d’établissement des
investissements” (I-4, I-3,2).
Les droits et
obligations relatifs aux droits fondamentaux des personnes ne sont garantis par
l’Union que dans la mesure où ils ne limitent pas cette “libre circulation”
(I-4, I-5, II-Préambule, II-111, II-112). Ainsi donc, les élites ont établi une
nouvelle hiérarchie des normes qui consacre la prééminence de la compétition
sur la solidarité.
Aucun des cinq traités
n’affirmait avec autant de force le projet idéologique qui sous-tend la
construction européenne : la concurrence est l’origine des ressources. À
plusieurs reprises, le texte affirme que l’Union européenne se fonde sur le “respect
du principe d’une économie de marché ou la concurrence est libre et non
faussée” (art. I-3,2, III-177 et III-178), que le développement de
l’Europe est fondé sur une économie de marché “hautement compétitive” (art.
I-3,3). Le fait que cette économie soit qualifiée de “sociale” est dénué de
tout sens dès lors que la définition des minima sociaux est absente du texte.
D’ailleurs, en dehors de l’article I-3,3, l’adjectif “social” ne qualifie plus
l’économie de marché dans les articles où celle-ci est explicitée (III-177,
III-178, III-185). La compétition individuelle est le fondement des relations
humaines.
Le libre-échange
fait partie intégrante de l’ “intérêt commun” des Européens (art. III-177
à 179). La loi absolue du marché n’est plus une option à soumettre aux
électeurs. C’est désormais un élément de l’acquis communautaire. À ne plus
discuter.
La Constitution
proposée consacre le triomphe absolu des dogmes monétaristes qui ont pourtant
conduit plusieurs pays à la catastrophe. La Banque centrale européenne (BCE)
échappe à tout contrôle (I-30,3 et III-181). Sa mission prioritaire est
d’assurer la stabilité des prix (I-30,2). Protectrice des banques privées, la
Constitution proposée interdit à la BCE d’accorder des crédits aux pouvoirs
publics qui sont priés de s’adresser au secteur privé (III-181).
On se croirait dans
le monde rêvé par Thatcher et Reagan ! Ce n’est pas une Constitution, c’est le
manifeste du néolibéralisme !
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