Un visionnaire antieuropéen
(Extrait du «Canard enchainé» du 25/05/2005)
" ILLUSIONS européennes et réalités, françaises ", tel est le titre de cet article signé par un certain Roger Jacques. Un réquisitoire sans appel : " Dans ce contexte libéral, pressé par des partenaires (européens) qui exigeront que les étapes soient franchies dans les délais prévus, notre gouvernement ne pourra plus décider en pleine souveraineté des moyens propres à consolider le destin français ; une politique nationale en matière de logement, d'enseignement, de développement régional sera impossible (...). "
Puis arrive la dénonciation de la conception libérale de l'Europe : " La libre circulation des hommes et des capitaux provoquera - au contraire d'une politique mesurée et nécessaire d'immigration - des mouvements anarchiques de population, danger pour le marché du travail. L'épargne française, dans le même temps, cherchera de meilleurs placements dans les grandes industries européennes. "
L'article est paru, il y a près de cinquante ans, le 25 janvier 1957, dans le journal " La Jeune République ", fondé par le chrétien social Marc Sangnier. Et qui se dissimulait derrière le pseudonyme de Roger Jacques ? Jacques Delors, alors jeune fonctionnaire à la Banque de France !
Certes, il s'agissait pour le futur président de la Commission européenne de dénoncer les risques que présentaient les projets de traité de Rome et de Marché commun, lesquels donnaient lieu à un débat devant le Parlement français. Comme quoi, et comme dirait Jacques Chirac, auteur, vingt ans plus tard, de son appel de Cochin et de sa charge antieuropéenne contre le " parti de l'étranger ", il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis.
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