Quand l’Union Européenne tue l’Europe
UNE FORMIDABLE REGRESSION QUI CONSACRE UNE RESTAURATION CONSERVATRICE

La Constitution proposée révèle au grand jour la nature du projet politique baptisé “union européenne” : se servir de l’idéal européen pour reconquérir, par le haut, ce que les élites politiques et économiques ont été obligées de concéder dans chaque pays depuis deux cents ans.

Après des siècles marqués par des horreurs en tous genres, l’humanité a adopté des règles communes. Elles se retrouvent dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, le Pacte International relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, le Pacte International relatif aux droits civils et politiques, les conventions sociales de base adoptées au sein de l’Organisation Internationale du Travail. Certes, ces règles sont encore loin d’être respectées et appliquées. Mais elles demeurent un objectif pour tous.

La Constitution européenne proposée renonce à certains de ces objectifs parmi les plus importants : ceux dont l’Europe même est le berceau.

On nous propose d’accepter un texte négocié par les puissants et baptisé Constitution. Mais cette Constitution ne limite en rien le pouvoir des puissants. Or, c’est en Europe qu’est née l’idée d’une Constitution issue de la volonté du peuple et le protégeant contre les puissants.

On nous propose d’accepter un texte qui permet aux pouvoirs publics d’accorder de l’argent public aux églises. Or, c’est en Europe qu’est née la notion de laïcité.

On nous propose d’accepter un texte qui n’est pas une Constitution, mais un manifeste idéologique néolibéral dont le projet est de limiter le rôle des pouvoirs publics à des questions de sécurité et de répression. Or, c’est en Europe que s’est forgée la conception d’un Etat opérateur, régulateur et redistributeur.

On nous propose, au nom de la démocratie, d’accepter un texte qui nie le principe de base de la démocratie : tous les pouvoirs émanent du peuple. Or, c’est en Europe que ce principe a été énoncé en premier lieu.

On nous propose d’accepter un texte qui ne garantit en rien contre les abus de pouvoir d’une Commission européenne totalement au service des puissances d’argent. Or, c’est en Europe qu’a été conçu le principe selon lequel il faut que “le pouvoir arrête le pouvoir.”

On nous propose d’accepter un texte qui impose l’abandon de droits sociaux et de droits collectifs consacrés dans nos Constitutions, dans nos lois et dans des traités internationaux. Or, c’est en Europe que ces droits ont été conquis.

On nous propose d’accepter un texte qui met en place toutes les contraintes légales en vue de faire disparaître les services publics qui sont les instruments permettant l’exercice de droits collectifs. Or, c’est en Europe que cette notion du service public est née.

On nous propose d’accepter un texte qui exclut toute politique européenne sur la scène internationale et qui soumet les peuples aux logiques marchandes de la mondialisation néolibérale. Or, c’est en Europe que s’est forgée l’idée d’un ordre mondial basé sur le droit ayant pour vocation de protéger les plus faibles et de respecter les diversités.

On nous propose d’accepter un texte qui s’imposera aux générations futures parce que sa procédure de modification le rend pratiquement intouchable. Or, c’est en Europe qu’est née l’idée qu’une génération doit laisser les générations futures libres de leurs choix.

Ce texte renie l’acquis européen et tue tout ce que contient l’idée d’Europe. Il renie les conquêtes politiques et sociales obtenues au prix d’immenses souffrances, surtout de la part des plus faibles. Il ne faut pas l’accepter.

Le rejeter, c’est obliger à remettre le travail sur le métier. Car le rejet de cette Constitution n’est pas la fin de l’Europe. Il n’y aura ni vide, ni chaos : le traité de Rome de 1957, modifié par les traités successifs, demeure.

Souvenons-nous de la mise en garde de Mirabeau : “ les hommes passent la moitié de leur vie à se forger des chaînes et l’autre moitié à se plaindre de les porter.

Accepter cette Constitution, c’est nous aliéner et aliéner les générations à venir. C’est accepter des chaînes que nos aînés avaient brisées.

Rejeter la Constitution proposée, c’est signifier aux gouvernements et aux élus que nous voulons une Europe européenne où la solidarité s’organise dans la liberté, où l’égalité s’impose dans la diversité, où l’homme vit en harmonie avec la nature, où le rapport aux autres peuples du monde rompt définitivement avec toutes les formes de néocolonialisme et d’impérialisme.


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