L'épouvantail Bolkestein (Extrait du "Canard enchainé" du 02/02/2005)
Qui connaissait, il y a quelques semaines, la directive Bolkestein ? Ce texte, approuvé voilà un an déjà par les autorités de Bruxelles, est brusquement sorti du néant. Aujourd’hui, il est au centre du débat sur la Constitution européenne. La raison ? Censé rendre plus aisés les échanges de services entre les 25 pays de l'Union, il s’appuie sur un principe nouveau : une entreprise vendant ses services à l’étranger restera soumise à la législation de son pays d’origine. Un maçon polonais venant, par exemple, exercer ses talents en France devrait se contenter de son salaire polonais (bien inférieur au SMIC français) et de la législation sociale polonaise. Bonjour le dumping social ! Les opposants au projet de Constitution y voient la confirmation de la dérive libérale de l’Union. Les partisans du "oui " rejettent un épouvantail susceptible d'encourager le "non". Après le Parti communiste, Pêche, Chasse, Nature et Traditions, c’est le PS, l’UDF et même l’UMP qui demandent aujourd’hui le retrait (ou la modification) de cette funeste directive Bolkestein. Chirac, lui, appelle à une "extrême vigilance". Chronologie d’un étonnant réveil, après des mois de sommeil.
- 13 janvier 2004 : la Commission adopte dans l’indifférence générale le projet de directive auquel le commissaire au Marché intérieur, le libéral Hollandais Frits Bolkestein, travaillait depuis un an.
- 12 mars : la ministre française aux affaires européennes, Noëlle Lenoir, apporte son appui "très fort " au texte. "Il s’agissait de la position officielle du gouvernement, arbitrée par Jean-Pierre Raffarin", explique-t-elle aujourd’hui au "Canard". Au cours du printemps, les ministres français discutent de multiples sujets avec les autorités européennes – et des plus importants, tels le statut des pièces détachées automobiles, la consigne des canettes de soda en Allemagne, etc. – mais jamais de la directive Bolkestein.
- 4 juin : à Bruxelles, 8 000 personnes manifestent contre la directive, à l’appel de syndicats belges et allemands, rejoints par Force ouvrière.
- 8 juin : "L’Humanité", rendant compte de la manifestation, est le premier quotidien français à évoquer la directive. Le sujet, apparemment, n'intéresse aucune autre force politique.
- 14-17 octobre : les dangers de la directive sont évoqués devant les 25 000 délégués du Forum social européen réunis à Londres. Peu d'écho dans la presse.
- 18 novembre : saisi par Raffarin, le Conseil d’Etat valide le principe de la clause du "pays d’origine". Dans 1a foulée, "La Croix" puis "Libération" et "Le Monde évoquent la directive.
- Décembre 2004/ janvier 2005 : les opposants au projet de Constitution européenne le vicomte de Villiers en tête – s’emparent du texte oublié et font monter, la mayonnaise. Les partisans du "oui" s’inquiètent de cette offensive et exigent en catastrophe l’enterrement de la directive. Pas gêné, Michel Barnier, ministre des Affaires étrangères, demande que ce texte qui avait reçu le soutien "très fort" du gouvernement il y a dix mois – soit "remis à plat". Commentaire d’un responsable socialiste au "canard " : "Compte tenu du contexte électoral, il est urgent de mettre ce projet au frigo. "
Il sera toujours temps de le ressortir après le référendum.
H. M.
"Frankenstein" et les amnésiques (Extrait du "Canard enchainé" du 09/02/2005)
RAFFARIN est un homme de conviction. Il en a donné une nouvelle preuve le 2 février à l’Assemblée, où, questionné sur la fameuse directive Bolkestein, il s'est levé, pris d’une noble indignation. "Cette directive est inacceptable", a-t-il pesté.
Et, brandissant ses poings serrés, il a précisé : "Nous prendrons tous les moyens pour nous y opposer. "
Il l’a pourtant eu, ce moyen, lors du vote du texte, le 18 janvier 2004. Mais Noëlle Lenoir, ministre aux Affaires européennes, avait alors apporté son appui "très fort" au texte. "Il s'agissait de la position officielle du gouvernement, arbitrée par Jean-Pierre Raffarin", a-t-elle tenu à préciser au "canard ".
Un autre membre éminent du gouvernement, Michel Barnier, s’est lui aussi ému de la directive, dont il a officiellement demandé le 31 janvier à Bruxelles qu’elle soit "remise à plat". Motif : ce texte, dont une clause – celle du "pays d'origine" – autorise le dumping social, "tourne le dos à l'harmonisation européenne", a-t-il précisé à "La Tribune".
Que ne s’en est-il aperçu plus tôt ! Car Michel Barnier était membre de la Commission européenne qui a adopté – et à l’unanimité – ladite directive.
Jusqu'à Chirac, qui s'est réveillé, martelant en plein Conseil des ministres la "position très ferme de la France" et exigeant de Bruxelles que ce texte maudit soit complètement "remis à plat".
C’est à se demander qui était président de la République il y a un an.
H. M.
Frits Bolkestein déplore l'organisation d'un référendum en France
(Extrait du "Canard enchainé" du 13/04/2005)
Le désormais célèbre Frits Bolkestein déplore, dans " Le Figaro " (7/4), l'organisation d'un référendum en France : " Les élus ont été élus pour décider, je ne crois pas à la démocratie directe. " Charmant.
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